Les enfants d’âge préscolaire (c’est-à-dire âgés entre 2 et 6 ans) ne savent pas encore comment gérer adéquatement leurs émotions. À cet âge, les enfants manquent généralement de vocabulaire pour exprimer ce qu’ils ressentent. Il arrive parfois, même dans les meilleures familles, que les enfants utilisent des comportements agressifs pour le faire ou pour gérer les émotions qui les submergent.
Actuellement, nous constatons que plusieurs parents sont contre la punition et prônent l’éducation positive. À l’inverse, d’autres considèrent plutôt qu’on ne les punit pas assez les gestes fautifs et sont prêts à appliquer des conséquences et des punitions pour tous les comportements inadéquats. Ces positions opposées entraînent plusieurs parents dans des impasses ou des questionnements polarisés où la culpabilité et l’impuissance risquent de s’installer.
- Sommes-nous obligés de punir notre enfant pour qu’il comprenne ?
- Devons-nous accepter qu’il soit un petit démon puisqu’il essaie de s’exprimer ?
Non à ces deux questions. Par ailleurs, il importe de rappeler que les parents d’un enfant d’âge préscolaire qui mord ou s’exprime avec de l’agressivité ne sont pas de « mauvais parents ».
« …des gestes inacceptables, mais pourtant naturels et innés. »
Les manifestations d’agressivité (mordre, frapper, pousser, pincer…) sont des gestes inacceptables, mais pourtant naturels et innés. L’objectif n’est ni de diaboliser ni de banaliser ces comportements. En tant que parents, notre devoir consiste à apprendre à nos enfants à agir autrement pour gérer et exprimer leurs émotions intenses.
Avez-vous déjà entendu : «Tu n’as qu’à le mordre une bonne fois et il va comprendre que ça fait mal. J’ai fait ça avec le mien et il n’a plus jamais recommencé. » ? Peut-être cette technique s’avère-t-elle efficace momentanément, mais que sommes-nous en train d’enseigner à notre enfant et que retient-il de cette leçon ? Il est probable que l’enfant apprenne à avoir peur d’exprimer sa colère et ses frustrations par crainte des représailles de ses parents. Par imitation, il peut également apprendre qu’il s’agit d’un comportement approprié dans des contextes de frustration lorsque les mots ou les échanges ne fonctionnent pas. Bref, bien que spontanément l’enfant puisse cesser d’adopter le comportement indésirable, en aucun cas il n’apprend à gérer ses émotions.
Rappelons certains faits développementaux :
- L’enfant d’âge préscolaire n’arrive pas encore à considérer le point de vue des autres ou à avoir une vision globale d’une situation.
- Il a du mal à comprendre et à accepter que son point de vue ne soit pas le seul possible (par exemple, un enfant qui se cogne les orteils sur une table frappera cette table avec agressivité comme si la table était responsable de l’accident).
- Il a peu de mots pour exprimer l’étendue de ses frustrations.
- Il ne comprend pas les symptômes physiologiques que provoquent la colère, la frustration ou certaines autres émotions et cherche à les évacuer à tout prix.
- L’enfant d’âge préscolaire a encore peu d’autocontrôle et doit apprendre à gérer autant ses émotions que ses gestes et ses comportements. Il est donc normal que l’enfant de cet âge réagisse de façon agressive et arrache le jouet des mains d’un ami ou encore qu’il pleure lorsqu’on ne lui donne pas ce qu’il veut.
- Au fur et à mesure qu’il grandit, il manifeste de moins en moins de comportements agressifs parce que les régions du cerveau qui lui permettent de contrôler l’impulsivité et l’agressivité sont mieux développées.
Malgré la normalité de plusieurs comportements, il est essentiel de guider et soutenir notre enfant dans cette période afin que ces comportements s’estompent et qu’il adopte une attitude saine de gestion des émotions, attitude dont LUI et VOUS serez fiers.
Pistes de solutions
Tel que mentionné précédemment, les enfants d’âge préscolaire ont besoin de l’encadrement et de l’aide de leurs parents pour apprendre à gérer adéquatement leurs émotions. Ainsi, il importe de soutenir l’enfant dans son développement affectif en lui montrant à se respecter et à respecter les autres dans son environnement, que ce soit à la maison ou à la garderie.
- Aider l’enfant à reconnaître et à exprimer ses émotions :
Les adultes peuvent apprendre aux enfants à reconnaître leurs émotions en mettant des mots sur des situations : « Je vois bien que tu es fâché parce que ton ami a pris ton jouet »; « Tu es triste parce que ta maman est partie au travail »; « Tu es fier de toi parce que tu as réussi à t’habiller seul ». Le recours à des images représentant des émotions peut être fort utile afin d’élargir le vocabulaire émotif de l’enfant. Lorsqu’il est en colère, vous pouvez lui montrer l’image du visage en colère et lui dire « Tu es fâché ».
- Présenter des règles et des limites claires :
Ceci permet de faire savoir à l’enfant ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire. Il connaîtra ainsi mieux vos attentes et s’imprègnera de vos valeurs. À la garderie comme à la maison, le recours aux pictogrammes, par exemple des images avec des cercles verts pour ce qui est attendu et d’autres avec des cercles rouges pour ce qui est refusé, peut être utile. Les règles doivent être claires et constantes. Ainsi, elles ne doivent pas varier en fonction de l’humeur du parent, mais plutôt être prévisibles pour l’enfant. En intervenant toujours de la même façon lors d’un même comportement, vous arriverez à sécuriser votre enfant et à corriger le comportement inadéquat plus rapidement.
- Renforcer les bons comportements :
Il est important de souligner les bons coups de l’enfant et de lui donner ainsi de l’attention positive. Cela renforce son estime de soi et augmente les probabilités qu’il répète ces bons comportements. Il s’agit alors de féliciter, encourager et reconnaître les comportements positifs et attendus. Il est également recommandé de renforcer particulièrement les situations où l’enfant aurait pu réagir de façon agressive, mais s’en est abstenu. Lorsque vous portez davantage attention à ses comportements positifs, l’enfant sera moins tenté d’avoir recours à des comportements négatifs pour attirer votre attention.
- Donner l’exemple :
Les enfants d’âge préscolaire n’ont pas encore tous les repères nécessaires pour gérer différentes situations. Toutefois, ils sont comme des éponges. Ils vous observeront et calqueront leurs réactions sur ce qu’ils remarquent chez vous. Ainsi, lorsque vous vivez des émotions, prenez l’habitude de nommer ce que vous ressentez, accordez-vous un moment pour vous calmer dans un endroit retiré (respirez, lisez un livre), trouvez des solutions une fois que vous êtes calmes et expliquez-vous avec des mots simples.
- Lorsque l’enfant réplique à un comportement agressif par un comportement tout aussi inadéquat :
Il importe de reconnaître l’émotion ressentie par l’enfant TOUT EN INDIQUANT que les gestes agressifs ne sont pas acceptables, tant pour l’enfant qui initie la chicane ou qui fait le premier geste, que pour celui qui réplique en tapant, mordant ou frappant.
Il est également utile d’apprendre à l’enfant une façon alternative plus adéquate pour réagir aux comportements agressifs d’un autre enfant. Ainsi, repousser un enfant agressif et aller chercher de l’aide auprès d’un adulte devrait être un comportement renforcé.
- Organiser un coin de retour au calme :
Nous avons souvent tendance à mettre les enfants en retrait ou dans le coin, en raison de comportements indésirables qu’ils ont adoptés sous l’effet de la colère, sans toutefois leur offrir de moyens alternatifs pour s’apaiser. Par contre, l’important est que l’enfant retrouve son calme et qu’il reprenne ses esprits afin qu’il puisse ensuite s’excuser et réparer ce qui a été brisé.
Un coussin, sa doudou, un livre sur les émotions, des crayons et du papier pour dessiner, une affiche qui suggère à l’enfant de prendre de grandes respirations sont autant d’exemples de moyens pouvant être mis à la disposition de l’enfant pendant la période de retrait.
- Favoriser les gestes de réparation :
Une fois que l’enfant a retrouvé son calme, les gestes de réparation (s’excuser, faire un câlin, flatter la région blessée, un dessin, etc.) sont à mettre de l’avant afin qu’il puisse comprendre qu’il peut corriger une situation. Il pourra ainsi sortir grandi d’un mauvais comportement qu’il a adopté impulsivement. Ainsi, en l’incitant à prendre du recul et à faire un geste de réparation lorsqu’il est plus calme, vous lui enseignez les bases de l’empathie.
Par Marilou Cournoyer, M.Ps., psychologue et Béatrice de Montigny, D.Psy., psychologue
*Les images contenues dans cet article et les sources ne sont pas des commandites. Elles sont plutôt utilisées à titre indicatif. Le recours à des outils maison ou provenant d’autres maisons d’édition est tout autant pertinent.